Il arrive, parfois, rarement deux fois dans une meme destinee, que des choses vous touchent au point de mettre le monde entier en suspens. Au point que plus rien d’autre n’existe. Au point que ce seul instant d’eternite puisse pratiquement suffire a rendre l’existence qui en a ete temoin digne d’etre uniquement grace a ca. Au point que la terre entiere puisse cesser de tourner, ce n’est plus un probleme.
J’ai ete temoin de ce genre de boulversante decouverte ce soir. Je reitere l’experience en ce moment meme. Je peine a l’arreter, j’ai peur de croire que je l’ai revee, ou qu’une raison ou une autre ne m’en prive a nouveau. Je suis juste absolument sous le choc. Quel choc!! Quel magnifique choc!!
Sigur Rós est probablement un des plus grands groupes que porte cette terre, sinon le plus grand. Meme en tant que boulimique de Muse, il est impossible de ne pas s’incliner sur leur passage et de ceder aux quatres Islandais un savoir qui depasse l’entendement concernant cet art primaire et primordiale qu’est la Musique. Ils ne la font pas, ils la sont.
Avoir decouvert ce groupe a change progressivement ma conception des choses. Pas que de la musique, a vrai dire. Parce que la musique declenche des emotions, elle declenche aussi la reflection a sa source, a ses fondements, en son coeur meme. Sigur Rós procure des emotions a leur etat brut. Primale. Loin de tout formatage, de toute modelisation, de tout calcul. Tout Sigur Rós. Sans exception. Tout ce qui est passe par leurs mains, tout ce qui irradie de ces quatres la, et surtout de Jónsi vient de la plus belle part des emotions.
Mais UN titre pourrait probablement resumer tout cela. Un seul titre. Ára Bátur. Un titre qui est tellement beau qu’il en est…Humainement indescriptible. Il suffit de se laisser porter par la musique, se laisser guider par la voix de Jónsi, rassurante, merveilleuse et incomprehensiblement boulversante pour comprendre qu’on tient un des moments clefs de son existence…Et de l’histoire de la musique.
Ára Bátur commence au piano, donnant a la voix de notre Jónsi l’equivalent instrumental de sa beaute, puis progressivement, vient se meler un orchestre Symphonique. Ára exigeait quelque chose qui depasse ce qu’on est habitue a voir et a entendre. Les studios Abbey Road et 40 musiciens, plus une chorale d’enfants lui ont offert cette legitimme perfection qui semble venir d’une autre planete.
Le jour J, grave pour l’eternite dans la merveilleuse edition limitee du dernier opus des Islandais, tout le monde semble etre la piece manquante d’un puzzle parfait. La chorale. L’orchestre. La basse. Le piano. Le chef d’orchestre. Et Jónsi…
On repete des morceaux, on peaufine chaque piece pour qu’elle s’imbrique logiquement dans sa suite. On remarque a peine Jónsi, visiblement concentre au point maximal, au milieu de ces musiciens occuppes a s’accorder, de ces enfants occupes a s’amuser, inconscient de qui est Sigur Rós, et meme de pourquoi ils sont vraiment la. Jónsi laisse sans un mot Kjartan refaire le noeud de son costume, et on sent, on sait la tension d’un groupe magique qui prend le risque de pousser les choses plus loin que jamais.
Et puis finalement, le producteur decide que la premiere prise, la prise de tests, la prise en entier, dans tous ses defauts peut etre lancee. La concentration a beau etre au maximum, une premiere prise ne peut qu’etre ratee. Elle n’est que porteuse de promesses tenues bien plus tard. Kjartan pose ses mains sur le majestueux piano, il est trop tard pour revenir en arriere…
Et l’incroyable arrive. Des les premieres notes sussurees par Jónsi, l’alchimie si rare a trouver se cree. La merveille nee des emboitages logiques d’une suite de bonheurs, et il est impossible de resister. Meme les commentaires desarmant de joie de Kjartan ne peuvent briser cette logique implacable. Le moment est tellement beau que les yeux brillent avant de laisser couler le flot d’emotions que declenche Ára, montee en puissance impossible a arreter, raz de marree emotionnel ivre de perfection.
Le point culminant ayant atteint la reunion de tous les elements dechaines des mythiques studio, Ára, cheval fou lance au triple galop, revient a un rythme de trot, puis de pas, avant de s’arreter, suspendue pour toujours a ce que l’enregistrement de pareille course pourra bien donner. Personne n’ose meme respirer. Tout le monde sait deja ce qui vient de se passer. Le moment ne peut etre reitere. La beaute de cet instant ne peut etre explique. Tout le monde prend un dernier souffle, le producteur, bluffe, renvoie tout le monde chez soi. Ára est nee en ces neuf minutes incomprehensibles pour un esprit cartesien. Elle va marquer ses empreintes dans l´histoire de la musique pour toujours.
Et ne demeure apres cela que le sourire de Jónsi, louant la spontaneite parfaite du moment. Heureux.
« That was definetely an important experience. I think we recorded everything at once, the symphonic Orchestra, boy choir, drums, piano, voice, bass. Just everything in one take. It is definetely important for us to do that. Just a good experience. Just to see that there is no turning back where you can fix it. Everything is how it is »
(c’etait definitvement une experience importante. On a tout enregistre d’une traite, l’orchestre, la chorale, les percussions, le piano, la voix, la basse. Tout en une seule fois. C’est important pour nous d’agir comme ca. Une bonne experience. Il n’y a pas de possibilite de revenir en arriere ou tu peux arranger les choses. Tout est comme il est suppose etre)